ANALYSE SOCIOLOGIQUE APPROFONDIE DE LA SOCIETE AFRICAINE POSTCOLONALE - par JP. KAYA

Publié le par Munsa Nzinga Kandombe

 

 vendredi 18 février 2011, 01:40


Analyse sociologique approfondie de la société africaine postcoloniale - Par Jean Pierre KAYA © www.africamaat.com

 

 


 Il est indispensable de commencer par exposer les éléments fondamentaux d’une théorie générale de la société, pour bien comprendre, dans quelles circonstances, une société particulière peut en apparence paradoxalement en arriver à démériter de la qualité de société.
 

Sur le plan sociologique, la société africaine postcoloniale nous apparaît comme une réalité sociale dépourvue de qualités systématiques.

Elle ne semble avoir de structure, ni au niveau apparent, où elle est vécue au moins partiellement par les membres d’une société, ni au niveau inconscient où elle tient lieu de « ciment » de la réalité sociale. Il s’agit bien donc d’une société malade. C’est ce caractère pathologique, que tous les observateurs, n’ont cessé de rendre compte sans en tirer toutes les conséquences, à travers la violence endémique qui y sévit et qui traduit l’absence d’une fonction d’intégration sociale, l’inefficacité politique, qui souligne le défaut d’une capacité à poursuivre les buts, la pauvreté et la misère qui traduisent l’absence d’une fonction d’adaptation à son environnement, ou encore l’incertitude qui pèse sur ses membres et qui nous renseigne sur un manque de visibilité normative et qui rend compte de la défaillance de la fonction de stabilité normative. Nous sommes confrontés enfin de compte à une société où il y’a dysfonctionnement du système social, et où la fonction cybernétique est en panne. Nous allons montrer que cela nous ramène à la l’affirmation du constat que nous avons déjà fait maintes fois que la société postcoloniale était une société malade [1].
 

Mais pour bien mesurer la portée d’une telle assertion, il est indispensable de commencer par exposer les éléments fondamentaux d’une théorie générale de la société, pour bien comprendre, dans quelles circonstances, une société particulière peut en apparence paradoxalement en arriver à démériter de la qualité de société.
 
I-THÉORIE GÉNÉRALE DE LA SOCIÉTÉ

 
 Pour être capable de fonctionner, toute société humaine doit posséder des propriétés systématiques qui impliquent le postulat du système social. Celui-ci signifie qu’on attribue à la réalité étudiée les propriétés suivantes   [2] :


 a)-elle est constituée d’éléments ayant entre eux des rapports d’interdépendance.
 b)-la totalité formée par l’ensemble des éléments n’est pas réductible à la somme de ces éléments.
 c)-les rapports d’interdépendance entre éléments, et la totalité qui en résulte, sont régis par des règles qui peuvent s’exprimer en termes logiques.
 
 Les traditions classificatoires et analytiques, en anthropologie comme en sociologie, sont toutes fondées sur ce postulat d’une cohérence systémique de la réalité sociale. Du reste, un tel postulat ne se limite pas seulement à l’analyse de la réalité sociale, on y voit le fondement théorique de toute la science moderne, dont l’activité aboutit à la conceptualisation de toute la nature. Or, qu’est ce qu’un concept, sinon un système de rapports ? Que le même modèle de système ne soit pas applicable à tous les niveaux de la réalité est une question que nous pouvons laisser ici de côté à toutes fins utiles.


 Talcoott PARSONS affirme ainsi, que pour lui le concept de système est « un concept vital pour toute science…Le concept de système n’est essentiellement rien d’autre que l’application du critère de l’intégration logique des propositions générales [3]


 Or, nous ne trouvons guère ce caractère systématique dans la réalité sociale postcoloniale, à cause précisément du chaos qui y règne de façon permanente, la misère, la pauvreté et l’incertitude qu’elle provoque. Il y a encore l’instabilité politique, qui engendre une dévolution chaotique du pouvoir, empêchant ainsi la mise en œuvre du double processus d’institutionnalisation et de sécularisation indispensable au développement politique. Enfin, il faut évoquer la mentalité de cette société fondée sur l’idéologie de la politique du ventre qui soumet toutes les ressources de la société à la prédation généralisée.


 Pour comprendre les mécanismes de ce chaos, il faut déconstruire le système social lui-même pour l’analyser et en tirer des applications. On sait que toute action sociale, c’est-à-dire toute conduite humaine, concept qui inclut les comportements extérieurs observables, mais aussi les pensées, les sentiments, les aspirations et les désirs etc.… se situe simultanément dans quatre contextes.
 
1°)-le contexte biologique, qui est celui de l’organisme neuro-physiologique, avec ses besoins et ses exigences.
2°)-le contexte psychique qui est celui de la personnalité.
3°)-le contexte social, qui est celui des interactions entre les acteurs et les groupes.
4°)-le contexte culturel, qui est celui des normes, modèles, valeurs, idéologies et connaissances.
 
 Toute action sociale concrète est toujours globale, c’est-à-dire qu’elle s’inscrit dans ces quatre contextes à la fois et résulte toujours d’une interaction de forces et d’influences provenant de chacun d’eux. Par ailleurs, les quatre contextes dans lesquels se déroule l’action sociale, peuvent être considérés comme des systèmes complets, car l’analyse systémique de chacun de ces contextes, montre qu’ils possèdent des propriétés systématiques. Aussi avons-nous à faire à quatre systèmes :


 a)-le système biologique

 b)-le système psychique

 c)-le système social

 d)-le système culturel
 

Tous ces systèmes forment ensemble des sous-systèmes du système général de l’action. Notons que chaque sous-système est ouvert sur les autres sous-systèmes qui forment son environnement, et entretient une interdépendance avec eux.


L’élément essentiel qui détermine le système global de l’action est le fait que ces quatre systèmes sont liés entre eux par un ordre hiérarchique, qui obéit à un contrôle cybernétique. D’après Louis COUFFIGNAL [4] , la cybernétique est l’art de rendre efficace l’action. Et en vue d’une plus grande efficacité de l’action, la cybernétique tient compte en particulier de deux éléments : la communication, c’est-à-dire la transmission de l’information et les différents mécanismes de commande ou de guidage et de contrôle de l’action. Quant au contrôle de l’efficacité de l’action, l’auteur affirme [5] que :
 « un contrôle consiste à comparer les résultats obtenus aux prévisions. Il a pour effet, en cas d’écart de déclencher des opérations correctives ».


 Ainsi dans le cas de la conduite humaine, on peut considérer que les quatre sous-systèmes de l’action comportent chacun des mécanismes de guidage ou de contrôle de l’action : les besoins physiologiques, les motivations psychiques, les normes, régissent l’interaction des acteurs sociaux, les valeurs représentent des mécanismes servant à guider ou à contrôler l’action, c’est-à-dire à lui donner une orientation. Tous ces mécanismes prennent leur valeur dans une hiérarchie cybernétique, qui implique qu’un système se situe vers le plus haut de l’échelle, lorsqu’il est plus riche en information, alors que celui qui se situe au plus bas de l’échelle est celui qui est le plus riche en énergie.


 Ainsi avons-nous de bas en haut : le système biologique, le système de la personnalité, le système social et le système culturel.
 Parce qu’il est composé essentiellement d’éléments symboliques (connaissances, valeurs, idéologies), le système culturel guide et contrôle l’action exclusivement par l’information qu’il dispense et justifie le fait de se trouver au sommet de la hiérarchie. Par contre le système biologique en guidant et en contrôlant l’action par l’énergie qu’il développe et libère, se situe au plus bas niveau de l’échelle. Il en découle que, le système le plus haut placé dans la hiérarchie, exerce un contrôle sur l’organisme biologique ; le système social contrôle à son tour la personnalité ; alors que la culture exerce son contrôle sur le système social. Il en résulte qu’à travers la personnalité, le système social exerce aussi un contrôle sur l’organisme biologique ; et le système culturel exerce enfin à travers le système social, un contrôle sur la personnalité et sur l’organisme biologique.


 Donc, plus un système est élevé dans la hiérarchie, plus il exerce de contrôle sur les autres systèmes de l’action.
Remarquons que du point de vue analytique, le système social n’englobe pas toute la réalité sociale. Celle-ci se subdivise en deux systèmes distincts : le système social et le système culturel. Le système culturel comprend les valeurs, les connaissances, les idéologies, autrement dit en général, l’ensemble de l’appareil symbolique dont s’inspire toute action sociale. Le système social quant à lui porte sur les « conditions impliquées dans l’interaction d’individus humains réels qui forment des collectivités concrètes composées de membres déterminés ».


 Ainsi pour T. PARSONS, dans toute collectivité concrète, qu’elle qu’en soit la taille, qu’il s’agisse d’un petit groupe ou d’une société globale, ces deux systèmes se compénètrent d’une manière nécessaire. Un système social ne peut exister sans système culturel qui lui fournit les éléments symboliques essentiels.


 Le mécanisme précis, qui établit à la fois la jonction et la distinction entre ces deux systèmes est celui de l’institutionnalisation. Elle consiste en la traduction des éléments culturels (valeurs, idées, symboles) qui ont par nature un caractère général, dans des normes d’action, des rôles, des groupes qui exercent un contrôle direct et immédiat sur l’action sociale et l’interaction des membres d’une collectivité. Par exemple, la valeur générale de justice s’institutionnalise dans le rôle de juge, dans l’appareil judiciaire, et dans le corps des lois. Ainsi l’institutionnalisation apparaît comme une sorte de concrétisation des éléments culturels, leur transposition dans des formes applicables et appliquées. Elle a pour conséquence de structurer la société.


Pour T. PARSONS, la structure sur le plan sociologique consiste en modèles institutionnalisés de la culture normative. Autrement dit : la structure est la résultante du processus d’institutionnalisation, elle est composée d’éléments culturels transcrits dans des modèles d’action sociale.


Précisément, parce qu’elle consiste en modèles institutionnalisés, la structure sociale est donc relativement stable. En effet, elle comprend « les éléments du système qui peuvent être considérés comme indépendants des fluctuations de faible amplitude et de courte durée qui résultent des rapports entre le système et son milieu externe » [6 ].


 Donc les éléments structurels sont dans une société assez relativement stables pour être considérés comme constants, afin de garantir la cohérence de la société. En tout cas dans la réalité concrète, sauf bouleversements sociaux rapides et profonds, les éléments structuraux ne se transforment que lentement. C’est pourquoi fournissent-ils un ensemble d’éléments stables qui procurent à la société ses propriétés systématiques.


 a)-les rôles, qui définissent les modes d’appartenance et de participation des individus aux différentes collectivités du système : (les rôles de père, de professeur, de député, de maire etc.)


 b)-les collectivités, qui sont formées autour de certaines valeurs, idées, idéologies qu’elles institutionnalisent en spécifiant les modalités concrètes d’application pour les acteurs sociaux membres de chaque collectivité famille, usine, association, parti politique, clubs etc.…)


 c)-les normes qui correspondent à des modèles de conduite, exemple : le modèle du bon père de famille, ou le modèle de l’homme qui réussit socialement.


 d)-les valeurs qui précisent les orientations désirables pour le système tout entier, c’est-à-dire, ce que celui-ci aspire à être, à faire, ou à devenir.


 On comprend mieux à présent la définition de T. PARSONS, lorsqu’il postule la structure comme étant « les modèles institutionnalisés de la culture normative ». En effet, les composantes structurales de la société forment comme quatre canaux par lesquels passe la culture pour se transcrire et se réaliser dans la vie concrète d’une société et de ses membres. Passant par ces canaux, la culture devient spécifique à une société particulière, à ses parties et à ses membres. C’est précisément là le résultat du processus d’institutionnalisation.


Ce processus va plus loin, en produisant la formation des « ensembles structuraux concrets », auxquels on donne généralement le nom d’institutions sociales. C’est par exemple le cas de la famille et la parenté, la structure économique, l’appareil politique, l’administration judiciaire, etc. Ces ensembles structuraux renvoient et correspondent aux éléments structuraux de base : rôles, collectivités, normes et valeurs.


Il faut souligner que ces composantes structurales sont affectées par la même hiérarchie cybernétique à l’instar des quatre sous-systèmes du système général de l’action. Ainsi les rôles et les collectivités se retrouvent au plus bas niveau de l’échelle de contrôle, car étant plus riches en énergie, elles agissent plus directement et plus immédiatement sur les personnes et les groupes. Elles servent de manière précise à organiser collectivement la population d’une société en établissant des cadres concrets et des modalités pratiques d’interaction.


Au contraire les normes et les valeurs sont plus riches en information et appartiennent en même temps aux systèmes culturel et social. Du point de vue social, elles impriment une certaine direction à l’action sociale et exercent sur elle un contrôle normatif. Du point de vue culturel, elles représentent l’expression symbolique et l’identité de la société.


Ainsi définie et circonscrite, la structure du système social, dans ses rapports avec son environnement, c’est-à-dire avec les autres sous-systèmes du système général de l’action, est confronté à des problèmes d’ajustement et d’adaptation. Dans la mesure où la structure du système social est perçue d’un point de vue théorique comme stable et constant, les problèmes d’adaptation, sont précisément ceux qui sont liés à son changement et à la modification de ses différentes composantes structurales.


 On peut donc identifier quatre problèmes fondamentaux d’ajustement auxquels fait face tout système social. Autrement dit, tout système social doit sans cesse régler ces problèmes pour exister et se maintenir. Il en découle quatre fonctions au sein du système social destinées chacune à répondre à l’un de ces problèmes. Ce sont :


 a)-la fonction de stabilité normative : (« pattern maintenance »). Elle consiste à assurer que les valeurs de la société soient connues des membres et que ceux-ci soient motivés à accepter ces valeurs et à se plier à leurs exigences. Cette fonction a donc pour but de maintenir et de protéger l’ordre normatif.


 b)-la fonction d’intégration, qui consiste à assurer la coordination nécessaire entre les unités ou parties du système, particulièrement à ce qui a trait à leur contribution, à l’organisation et au fonctionnement de l’ensemble.


 c)-la fonction de poursuite des buts (« goal-attainement »), qui concerne, ainsi que l’indique son nom, la définition et l’obtention d’objectifs pour le système tout entier et/ou pour ses différentes unités constituantes.


 d)-la fonction d’adaptation, qui porte tout particulièrement sur l’ensemble des moyens auxquels le système et ses membres doivent recourir dans la poursuite des buts.


Ces quatre fonctions obéissent également à la gradation du contrôle cybernétique. Ainsi la stabilité normative et l’intégration se placent au sommet de l’échelle de contrôle, car étant plus immédiatement inspirées par le système culturel. Les deux dernières : la poursuite des buts et l’adaptation étant en contact plus direct avec des réalités concrètes de l’organisation sociale, se placent au bas de l’échelle de contrôle.


On peut alors mettre en rapport l’ordre hiérarchique des fonctions et celui des composantes structurales analysées ci-dessus.


 a)-à la fonction de stabilité normative correspond la composante structurale des valeurs.
 b)-à la fonction d’intégration, correspond la composante structurale des normes.
 c)-à la fonction de poursuite de buts correspond la composante structurale des collectivités.
 d)-à la fonction d’adaptation correspond la composante structurale des rôles.


 Il est possible d’aller plus loin et de montrer qu’à chaque fonction correspond un ensemble structural concret. Ainsi, il existe au sein du système social un ensemble structural particulier qui remplit prioritairement chacune des fonctions fondamentales.


 1°)-les structures de socialisation (famille, enseignement) répondent à la fonction de stabilité normative.
 2°)-le droit et l’appareil judiciaire répondent à la fonction d’intégration.
 3°)-la structure politique répond à la fonction de poursuite de buts.
 4°)-la structure économique répond à la fonction d’adaptation.


 On notera seulement qu’il n’y a pas de correspondance exclusive et totale entre chacun de ces ensembles structuraux et chaque fonction. Un ensemble structural concret ne peut jamais répondre pleinement et à lui seul à un impératif fonctionnel ; ce dernier étant de caractère trop général (il ne se situe pas non plus au même plan analytique) pour que la correspondance soit parfaite. Ainsi, la correspondance dont il s’agit est donc, plus une question d’accent qu’une concordance totale. Néanmoins, il est possible d’étendre les impératifs fonctionnels de PARSONS du sous-système social, au système général de l’action sociale lui-même. Il en ressort alors que, au sein de la société :


 a)-à la fonction de stabilité normative dans le système général de l’action, correspond, le sous-système de la culture.
 b)-à la fonction d’intégration, correspond le sous-système social.
 c)-à la fonction de poursuite de buts correspond le sous-système de la personnalité.
 d)-à la fonction d’adaptation correspond le sous-système de l’organisme biologique.
 
 

II. APPLICATION : ELEMENTS D’UNE ANALYSE SYSTEMATIQUE DE LA CRISE AFRICAINE

 
 Après cette brève incursion dans l’analyse systémique en sociologie, nous sommes bien placés à présent pour évaluer l’étendue de la pathologie qui accable la société postcoloniale. Posons à ce propos la question de savoir, pour quelles raisons sociologiques la société postcoloniale se trouve t-elle dans la situation pathologique et anomique actuelle ?


Pour y répondre, il nous suffit de reprendre ici un à un les sous-systèmes de la société postcoloniale pour les soumettre à une analyse systémique.


 a)-Pourquoi le système culturel de la société postcoloniale n’exerce t-il pas sa fonction de stabilité normative ?


La réponse à cette question nous ramène automatiquement à la genèse de cette société. C’est-à-dire à la Traite des Nègres et à la Colonisation. De l’analyse que nous y avons consacrée [7] , il ressort que ces deux faits ont non seulement détruit physiquement les sociétés africaines, mais ils ont également atteint sa culture. Aussi la société postcoloniale se trouve t-elle maintenant dans une situation de pétrification culturelle. Il lui manque le niveau de contrôle cybernétique le plus élevé qui donne des orientations à toute la société. D’où l’absence de visibilité normative de l’action sociale.


 b)-Pourquoi le système social de la société postcoloniale ne joue t-il pas son rôle d’intégration ?


D’abord pour la raison qu’il ne reçoit pas d’informations du système culturel avec lequel il est étroitement imbriqué comme on l’a dit, dans n’importe quelle société. Ensuite le mécanisme d’institutionnalisation dans un tel contexte ne fonctionne plus. L’incertitude normative dans laquelle on se trouve, mais surtout la dévalorisation systématique de la culture locale à laquelle participent même certains intellectuels africains [8] , sa confrontation impitoyable avec une culture dominante surpuissante, empêche le processus d’institutionnalisation de jouer son rôle. Ainsi les ensembles structuraux concrets qui existent sont dysfonctionnels. En effet on sait que ces ensembles qu’on appelle aussi institutions sociales, sont généralement des legs de la colonisation et ne constituent que des coquilles vides. Il leur manque dans la société postcoloniale, le contenu mythologique qui en Occident est très conscientisé et permet de les faire fonctionner.


 c)-Pourquoi la personnalité ne joue-t-elle pas sa fonction de poursuite de buts dans la société postcoloniale ?


Dans notre argumentation générale, cette question est fondamentale, car nous considérons la dimension psychanalytique comme essentielle dans le cas particulier de la crise de la communauté africaine. Notre réponse déjà établie [9]. , est que toutes les violences qui se sont abattues sur les sociétés africaines sur près d’un millénaire, ont détruit le moi de l’Homme Noir, inhibé sa volonté, miné sa confiance en soi, induit une mentalité servile, et finalement castré le Nègre, qui est alors devenu improductif et manipulable. Nous avons alors conclu que, victime d’une histoire exceptionnellement cruelle, l’Homme Noir apparaît aujourd’hui comme un handicapé mental.


 d)-Pourquoi l’organisme physique du Nègre actuel ne joue t-il pas son rôle d’adaptation à son environnement ?


Nous abordons de façon plus substantielle cette question dans le Tome III de notre ouvrage « Théorie de la Révolution Africaine », mais nous pouvons déjà indiquer que, les violences et les dominations subies par le Nègre au cours des siècles, qui ont détruit son esprit, n’ont pas manqué de réagir sur son organisme physique, qui les a gardé en mémoire, d’où la fameuse crise de la personnalité. Du reste, on sait que toutes les carences de la société postcoloniale ont affaibli et handicapé durablement l’organisme de l’Homme Noir. Ne serait-ce qu’à cause de la sous-alimentation, de l’absence d’hygiène, du manque de soins médicaux, de la famine endémique, des maladies nombreuses qui ont transformé son corps en musée bactériologique et viral vivant, sans compter la peur et l’instabilité chronique avec lesquelles il doit vivre constamment.


Comment son organisme peut-il assumer sa fonction d’adaptation à son environnement dans de telles conditions apocalyptiques ?

En conclusion, du point de vue sociologique, la société postcoloniale, ne possède pas de système d’action sociale, puisque l’existence de celui-ci est liée à une structuration de la société, par le mécanisme d’institutionnalisation et dont le point de départ est l’existence d’un système normatif cohérent.

 

Ainsi donc du point de vue de la sociologie, en tant que science de la société, la société postcoloniale ne mérite pas non plus la qualité de société, car les propriétés systématiques qui engendrent une structure sociale, lui font défaut.


Cette situation est aggravée par le mécanisme du « retour du refoulé » de la communauté africaine, à l’origine de la crise de la personnalité africaine, crise fondamentale de la communauté africaine, qui assoit définitivement le caractère pathologique et anomique de la société postcoloniale.
 
Références bibliographiques:
[1] La théorie générale de la société que nous allons proposer ci-après, s’inspire des travaux du grand sociologue américain : Talcott PARSONS. Cf. « Theories of society » ; 2tomes, Free Press of Glencoe, New York, 1961.
[2] COLEMAN (J.S) ; « Introduction to mathematical sociology » ; Glencoe III, Free Press, New-York, 1964 .
[3] PARSONS (T) ; « Theories of society » ; Tome I, p.32, opcit. »
[4] COUFIGNAL (L) ; « La cybernétique » ; PUF, Paris, 1966, p.23.
[5] OPCIT, p.118.
[6] OPCIT, p.36.
[7] KAYA (JP) ; « Théorie de la Révolution Africaine, Tome I : Re-penser la crise africaine » ; Editions Menaibuc, Paris 2007.
[8] C’est le cas par exemple des philosophes critiques africains, Cf. JP KAYA ; « Ce que philosopher veut dire… », Menaibuc, Paris, 2008.
[9] Nous consacrons à cette question une analyse poussée dans « Théorie de la Révolution Africaine, Tome I ».
 

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D
<br /> <br /> Merci pour cet article tout à fait passionant à lire. Amitiés. Dominique<br /> <br /> <br /> <br />
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