Anténor FIRMIN: "De l’égalité des races humaines"

Publié le par Munsa Nzinga Kandombe

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De l’égalité des races humaines, paru en 1885 en réponse au livre d’Arthur de Gobineau De l’inégalité des races humaines (1884), est un plaidoyer en faveur de la race noire. Cet essai s’adresse aux doctrinaires de l’inégalité des races dans le monde scientifique de l’époque, lesquels pratiquaient une anthropologie physique.

Contre ces pseudo-scientifiques, Firmin définit une anthropologie critique, sociale et culturelle. Il réévalue le rôle essentiel des cultures africaines dans l’histoire de la civilisation, des Égyptiens à la première République Noire d’Haïti.

 


Cultures Anténor FIRMINCest en 1885 qu’Anténor Firmin publia son traité De l’égalité des races humaines, en réponse à l’Essai sur l’inégalité dans les races humaines (1853-1855) du comte de Gobineau, réédité à Paris en 1884. C’était le moment où les gouvernements européens se partageaient le continent africain comme un fromage, à la conférence de Berlin, sans consulter le moins du monde les principaux intéressés, les Africains.

  Le racisme prétendument scientifique constituait le sous-bassement idéologique commun aux classes dirigeantes ; en Amérique Latine, on transposait l’élan « régénérationniste » qui animait l’Espagne au même moment, en termes raciaux : il fallait réduire le facteur noir, pour que les vertus blanches puissent s’épanouir, régir et alimenter le développement. Les États-Unis constituaient le modèle, le « nord » et la boussole de l’élite, dans la mesure où ils ne pratiquaient pas le mélange des sangs ; au moyen de l’éducation, les latins pouvaient se régénérer et atteindre l’excellence de la race saxonne. Pour le sang noir, on recommandait officiellement sa dilution par le métissage et sans le dire, on soutenait les opérations de nettoyage ethnique, ce qui se rapprochait le plus de l’extermination.

 Tel est le credo implicite qui se dégageait du paradigme « civilisation ou barbarie » : si on ne reconnaissait même pas aux indigènes le rang d’autochtones et de porteurs de l’esprit de la terre, on considérait encore moins les descendants des Africains qui avaient peuplé l’Amérique contre leur volonté.

 Seule la population noire put mesurer pleinement la férocité sous-jacente à la combinaison d’une théorie décidément raciste avec des pratiques d’hypocrisie notoire. Il était naturel que ce soit en Haïti qu’ait surgi le penseur le plus libre et le plus positif : Anténor Firmin. Dans le chapitre XVII de son livre sur l’Égalité des races humaines (662 pages), il montre comment le basculement de l’histoire commune à l’Europe et à l’Amérique eut lieu précisément en Haïti, à un moment unique.
Egalité sur les races humaines, Antanor Firmin
 Après sa démonstration, on peut affirmer sans la moindre exagération que la touche africaine sauve chaque fois les situations les plus dangereuses pour l’humanité.

Dans le fragment ci-dessous, on perçoit la vision continentale de Firmin, lorsqu’il souligne la dette de Bolivar envers Haïti, le pays qui l’a tiré d’affaire, l’a inspiré et lui a redonné les forces nécessaires pour reprendre son combat pour la libération continentale, alors qu’il venait de toucher le fond à la Jamaïque. Laissons les Vénézuéliens évaluer la façon dont Bolivar s’acquitta de sa dette envers les Haïtiens, à qui il promit d’abolir l’esclavage sur le continent en échange de l’aide matérielle offerte par le général Pétion.

Quelques années plus tard, un tribunal militaire condamna à mort le général Manuel Carlos Piar, mulâtre, pour rébellion ; c’est ce dont Bolivar avait besoin pour s’assurer le contrôle complet de son armée. Après le sacrifice de Piar, Bolivar fit appliquer les mesures que celui-ci réclamait, les mesures qui garantissaient l’égalité des Noirs dans la nouvelle société vénézuélienne.

L’œuvre d’Anténor Firmin fut tellement lucide, prémonitoire et dérangeante pour le monde blanc, qu’elle fut immédiatement enterrée et oubliée dans les milieux cultivés français. Elle ne fut rééditée qu’en 2004 ! C’est à titre de réparation due que les éditions L’harmattan l’ont rééditée, avec une introduction de Ghislaine Géloin, organisatrice du congrès sur « la redécouverte d’Anténor Firmin, pionnier de l’anthropologie et du panafricanisme » au Rhode Island College.

Anténor Firmin participa à l’organisation de la première conférence panaméricaine de 1900, suscitée par W. E. B. Dubois ; il fut élu vice-président de celle qui aurait dû avoir lieu en 1902, puis nommé responsable de l’association panafricaine en Haïti en 1904. En lisant aujourd’hui ses pages éblouissantes de fraternité et de soutien spirituel pour la refondation de la pensée scientifique, on le perçoit comme un annonciateur de Cheikh Anta Diop, celui qui a détrôné les mensonges intéressés de l’égyptologie, et qui sut imposer aux scientifiques européens la reconnaissance de la grandeur noire, « poser le problème de la falsification la plus monstrueuse de l’histoire de l’humanité par les historiens modernes…rendre justice à la race nègre en lui reconnaissant son rôle du plus ancien guide de l’humanité sur la voie de la civilisation, au sens plein de ce mot » (Nations nègres et culture, Paris, Présence africaine 1954-59, p. 59).

Firmin le disait fort bien : « A toute cette phalange hautaine qui proclame que l’homme noir est destiné à servir d’étrier à la puissance de l’homme blanc, à cette anthropologie menteuse, j’aurai le droit de dire : Non, tu n’es pas une science ! »  Il annonça aussi que l’égoïsme et l’immoralité de la race blanche seraient pour elle plus tard un motif de honte et de remords. Lorsque Firmin mourut, alors qu’il était membre titulaire de la Société d’Anthropologie parisienne, en 1911, le Bulletin de la Société ne lui consacra même pas une notice nécrologique.

La Rédaction du MNH

Publié dans À lire

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