Les évolutions historiques des peuples Akan

Publié le par Munsa Nzinga Kandombe

  A.- Les anciennes entités politiques de l’aire Bono et autres royaumes de cet espace


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A1- Le Bono, un ancien Royaume Akan

  

 

1 – Antériorité du Bono

Le nom Bono est à la fois un nom qui exprime une réalité historique et linguistique. La seconde est celle que l’on appelle la langue Brong. La première réalité est celle qui nous préoccupe ici. Il s’agit ici de parler de l’histoire des anciens peuples, qui se veulent autochtones et qui ont sans doute créer les premières entités politiques akan de l’histoire. Cet espace et aire Bono comprenait le Bono proprement dit, Nsawkaw et Wenchi. Ces trois royaumes et peuples se reconnaissent d’ailleurs des liens très anciens. Les traditions de Nsawkaw disent que Bono, Nsawkaw et Wenchi formaient des Man nua (peuples frères)[1]. De ces royaumes, le premier que nous allons étudier est le Bono.


Or retracer l’histoire du Bono n’est pas chose aisée pour une raison simple. En effet après la défaite du Bono face à l’Asante en 1722/23,[2] le choc fut si brutal et le chaos si grand, qu’il s’est produit comme un trou de mémoire dans les traditions de Takyiman héritier du glorieux royaume Bono. Les témoins matériels de l’histoire du pouvoir comme les sièges et autres attributs du pouvoir ont été perdus ou emportés par le vainqueur. L’hémorragie humaine sera grande, de nombreux Bono vont partir, parmi lesquels de nombreux gardiens de la mémoire du passé ancestral. Aujourd’hui en écoutant la tradition orale de Takyiman, on a parfois du mal à distinguer ce qui est de la période Bono de la période Takyiman. Quand D. M. Warren a visité la case des sièges de Takyiman, il n’a trouvé que 8 sièges consacrés[3]. Pour le plus ancien royaume akan de l’histoire, dont se réclame maintes familles royales akan, cela est bien maigre, et témoigne de l’ampleur du désastre subi par le Bono après le passage des troupes d’Opoku Ware.

Malgré tout, nous allons essayer de retracer l’histoire du Bono jusqu’à cette désastreuse défaite de 1722-23. D. M. Warren critiquera les travaux d’Eva Meyerowitz en faisant état de l’organisation et autres faits historiques concernant le royaume de Takyiman[4]. Celle-ci se contentera de répondre que son objet n’a jamais été Takyiman mais bien le Bono[5]. Nous avons déjà vu les données générales du peuplement et comment, la cité de Manso la capitale de l’Etat Bono date du 5è siècle après J.-C. d’après la datation au carbone 14c. La zone de l’actuel Nkoranza était le centre de l’Etat Bono. Pour les traditions, les ancêtres ont émergé de la grotte d’Amuowi. C’est ce que proclame les chants du festival annuel de l’Apo[6].

Au départ le peuple s’installe à environ 1 km de la grotte, à Tutena aux environs de Yefri. Là Asaman le fils de la reine-mère Ameya est fait roi. Notons que le nom Asaman veut dire esprit de défunt, peut-être parce que le vrai roi est dans le monde spirituel et est à venir dans le monde matériel. Et aussi parce que n’est retenu comme roi, que le roi défunt qui se voit incliner un siège noir en l’honneur de son âme. Le peuple nombreux d’après les traditions, essaime avec des chefs de famille à la tête de chaque matrilignage. Les chasseurs du roi  explorent la région et ce dernier s’installe à Manso.

La référence à Amuowi concerne en réalité la famille royale et ses dépendants immédiats. Les Aduana autochtones du Bono vénèrent la grotte  d’Atumkuroase comme celle d’où leurs ancêtres à eux sont sortis. Ils visitent cette grotte un vendredi pendant la célébration de l’Apo. Cette grotte est aussi appelée Bôtumfo, ce qui indique le travail de forge qu’exerçaient les ancêtres Aduana. Les chasseurs du roi Asaman avaient rencontré dans la région les ancêtres des Aduana vivant dans des grottes[7]. Cette tradition de Takyiman est tout à fait conforme à ce qu’admet la tradition orale akan quant à l’histoire des clans. En effet, les Atwea-Aduana-Abrade sont reconnus comme les premiers habitants des aires de peuplements akan. C’est conformément à cette antériorité des Aduana qu’une fois intégrés à l’organisation politique Bono, ils deviendront les gardiens du siège royal et le chef de leur clan aura le privilège d’offrir le premier, l’igname nouvelle au roi[8].

Les Bono de Nkyira, zone où les futurs fondateurs du royaume Denkyira ont vécu, disent que leurs ancêtres sont sortis de la grotte située à Wrob. De là,  ils vont occuper successivement plusieurs sites comme Boso, Takokoti, Kwaw, Huribra et enfin Nkyira[9]. Les Bono en réalité étaient composés de plusieurs clans et communautés aux origines multiples parmi lesquels les Djomo[10], Nyina, Dwamti, Atumfo (ancêtre  des Aduana) Ahemfi, Aboso, Werempe, Asonko, Wompe, Tetea, Adowa, Adiaka,  Adiaka-Mo (ce groupe est d’origine Grunsi), Adakwa, Nyafoman, Diuman, Dewoman etc.[11] A côté des groupes très anciennement installés, viendront s’ajouter avant la chute du Bono des réfugiés akan venus du Sud. Ce fut le cas des ex-Akwamu qui avaient fui des suites des guerres d’Abessim. Les clans Aduana-Abrade qui dirigeaient ces  ex-Akwamu dans le Bono, vont fusionner avec les Bono du sous-groupe Bôtumfo eux aussi de clan Aduana-Abrade. Ce qui, fait dire aux traditions de Takyiman que les ancêtres des Gyaman (entendre en réalité les Bôtumfo) ont été les pionniers dans le peuplement du Bono[12].

         Les Bono donneront asile à des Amakom originaires de Kumase-Amakom et futurs fondateurs de l’Etat de Nkoranza[13], aux Aduana de la chefferie de Sekyedomase originaires d’Asumegya, aux Droman, précisément à la famille royale de ce groupe originaire de Nsuta en Asante[14]. Au 18è siècle, les troubles dans les zones akan Sud vont favoriser des déplacements de différents groupes et leur installation dans l’espace bono en général. Nous verrons comment ces réfugiés akan venus du Sud joueront un rôle déterminant dans la politique hégémonique asante dans la région. Toutes ces communautés humaines se sont ajoutées aux noyaux épars du peuplement préhistorique dont nous avons déjà parlé.

         D’après Eva Meyerowitz, le Bono en tant que royaume a été fondé vers 1290 soit vers la fin du 13è siècle[15]. Elle n’indique pas ses sources . Nous avons relevé que l’archéologie

montre que Manso la capitale du Bono est un site occupé dès le 5è siècle après J.-C. Or si Nana Asaman premier roi Bono est le fondateur de Manso comme l’affirme les traditions orales, c’est dire que le royaume Bono est bien plus ancien qu’on ne le pense. Sur la base de la fondation de Manso, nous pensons que le Bono est un royaume dont les assises datent entre les 5è et 6è siècles. Nous pensons que le 13è siècle correspond à une période au cours de laquelle des groupes quittent massivement le royaume pour le littoral comme les Borbor Fante et les Adjomolo qui s’installeront dans le Nzema.

         De l’organisation ancienne du royaume bono, on n’en a pas une idée profonde. Ce sont les travaux de Meyerowitz qui en parlent mais, ils ont fait l’objet de tant et de tant de critiques souvent sur la base des traditions orales de Takyiman. A propos de l’organisation sociale, K. Y. Daaku a affirmé que les Bono ignoraient le système des 7 matriclans si répandu chez les locuteurs du Twi[16]. Pour lui, les clans Bono portaient des noms liés aux quartiers qu’ils habitaient. Il a appelé ce mode culturel le système aowin-bono, parce qu’on le retrouve chez les Aowin. Mais faut-il oublier que maints locuteurs du Twi eux-mêmes comme les Borbor Fante et les Twifo se réclament de l’espace bono ?

         Certes, c’est à juste titre que Daaku indique que chez les Bono les noms des villages ou des quartiers créer par les clans, finissaient par les désigner ; cependant, cela n’implique pas que les matriclans exogamiques dont ils relevaient étaient ignorés d’eux[17]. Maintes institutions akan trouvent leur origine dans le Bono. D'après Meyerowitz le système monarchique Bono admettait un roi réel et un co-regnant. Ce dernier n’était qu’une sorte de reflet, un Krafo (être de l’âme) du vrai roi. Pour les affaires courantes, c’est au co-regnant que le peuple s’adressait. Ce n’est que pour les affaires d’une extrême urgence que l’on avait recours au vrai roi qui la plupart du temps demeurait dans son palais, et n’apparaissait aux yeux du peuple qu’une fois l’an, au moment de la célébration des fêtes annuelles[18].

         Pour créer la cohésion au sein du royaume peuplé par des populations très hétérogènes, les rois Bono épousaient les filles nobles des grandes familles. Ces liens de sang faisaient de membres des grandes familles des ‘’fils’’ du Bonohene, qui pouvait compter sur leur soutien  et leur solidarité pour régner. L’organisation politique bono quant aux notables qui aidaient le roi dans la gestion de l’Etat, n’utilisaient pas la terminologie des locuteurs du Twi, à savoir Twafohene (chef des éclaireurs) Adontenhene (chef de l’avant garde) Nifahene (chef de l’aile droite) etc. Les grands notables du royaume avaient des titres liés aux noms des groupes qu’ils administraient. Ainsi l’on avait le Djomohene  (chef des Djomo), l’Atumfohene (chef des Atum), le Nyinasehene (chef des Nyinase), le Werempehene (chef des Werempe) etc.[19] Bref les chefs des grands groupes étaient d’office des notables du Bonohene.

         Le symbolisme de l’Est et de l’Ouest chez les Akan tel que nous le constatons encore de nos jours, Est symbole de renaissance, Ouest symbole de fin, mort, peut amplement justifier des coutumes anciennes du royaume bono tel que le rituel du réveil du roi, qui se lève face au soleil à l’Est, d’où la symbolique de l’or et de son lien mystique avec le soleil auquel croyaient les Bono[20]. D’ailleurs un adage akan dit ‘’ohene ye owia’’ (le roi est soleil). Il doit donc être garant de la fertilité du sol, de la prospérité du pays. Il ne s’agit pas de rejeter ces informations parce qu’elles font étrangement penser à la civilisation pharaonique. Le Bonohene était réveillé au moment du levé du soleil par un ‘’fils’’ du lignage royal, il avait à son service, un homme chargé de lui enduire le corps de pommade, un autre chargé de l’habiller et un dégustateur de ses repas[21].

         D. M. Warren relevait que les traditions de Takyiman n’ont pas souvenance des liens que les ancêtres Bono établissaient entre le Kra (âme) de la reine-mère et la lune ni du fait que les reines-mères donc les femmes ont exercé le pouvoir avant qu’il ne passe aux mains du roi et donc des hommes[22]. C’est à travers les parlers akan que l’on peut percevoir la véracité des propos de Meyerowitz qui ont été trop vite rejetés. En effet, la lune est appelée Sara/Sala par maints akan, qui appellent aussi les menstrues des femmes Mansa/Manza. L’on perçoit ici la racine Sa/Za de ces deux mots. Cela n’est pas un hasard. Quant au pouvoir antérieur de la reine-mère et des femmes ; nous savons que dans les temps anciens, plusieurs siège de matriclans, symboles du pouvoir politique étaient contrôlés par des femmes. C’est par exemple le cas du Denkyira dont le siège était à l’origine sous la garde de la reine-mère Ayekra Adebo.

         La tradition orale akan indique que les sièges ronds (Puruo/Pulue) généralement celui des reines-mères ont plus de valeur que les sièges

Carte n° 5


Rectangulaires (Sèsèbia/Sèsèdua). Ce sont les rois qui ont eu des règnes exemplaires qui se voient récompenser d’un siège rond, comme ce fut le cas du roi Koa Tiumasi du Ndenian. Rien que cette coutume permet de ne pas nier l’hypothèse du pouvoir antérieur de la reine-mère. N’oublions pas enfin, que c’est de sa lignée maternelle que l’Ohene (roi, chef) justifie son droit au trône. La coutume asante veut encore aujourd’hui que les notables aillent supplier la ‘’mère’’ (il s’agit d’une mère classificatoire membre du matrilignage royal) du futur Asantehene avec des présents à l’appui afin qu’elle accepte que son ‘’fils’’ soit intronisé.

         Dans l’imaginaire des croyances akan, le soleil est vu comme l’époux de la lune et les étoiles leurs enfants. La dualité du principe masculin et du principe féminin, explique chez les Akan l’existence du roi symbole du soleil et de la reine-mère symbole de la lune. Mais de là à affirmer comme le fait Meyerowitz que les Bono pratiquaient le culte du soleil depuis le règne du Bonohene Obunumankoma[23] est difficile à vérifier. Même s’il en fut ainsi, cela ne pourrait qu’avoir été une résurgence du culte solaire hériter de l’Egypte et non d’une création de ce roi Bono.

         Selon Eva Meyerowitz, les périodes et dates des règnes des Bonohene étaient su grâce à des noix en or placées sur les sièges consacrés aux rois défunts. Le nombre de noix indiquait les années de règne. Or le désastre de la défaite de 1722/23 a fait que les noix que l’on a pu sauver sont regroupées dans le Sanaa (trésor royal). Comment Eva Meyerowitz a donc pu établir la liste des Bonohene avec les périodes de leurs règnes aussi précis ? Nous nous bornons ici à donner la liste des rois Bono et les périodes de règne qu’elle leur donne.

 

La liste des rois Bono de Meyerowitz

Nana Asaman (1295-1325)

 Ameya Kese (reine-mère) (1325-1328)

Akumfi Ameyaw I (1328-1363)

 Obunumankoma (1363-1431)

 Takyi Akwamo (1431-1463)

 Gyako I (1463-1475)

 Dwambera Kwame (1475-1495)

 Afena Yao I (1495-1564)

 Brempon Katakyira (1564-1595)

Yaboa Ananta (1595-1609) (remarque, Ananta est le nom que les Akan donnent au mousquet danois)

 Ati Kwame (1609-1618)

 Ameyaw Kurompe (1618-1633)

 Afena Diamono (1633-1639)

 Owusu Aduam (1639-1649)

 Akumfi Ameyaw II (1649-1659)

 Kofi Asamankwa (1659-1664)

 Owusu Akyempo (1664-1699)

 Gyamfo Kumanini (1669-1684)

 Boakye Tenten (1684-1692)

 Kyereme Bampo (1692-1712)

Ameyaw Kwakye I (1712-1740) (le dernier Bonohene pendant le règne duquel les Asante ont conquis le pays)

         Eva Meyerowitz donne aussi une liste complète des Reines-Mères avec aussi des dates de règnes. Certes nous ne pensons pas que les indications soient correctes, car aucune donnée historique ne permet réellement de le faire. Quel péril intellectuel que de vouloir établir une chronologie qui se veut aussi précise, à partir de faits de coutumes dans une culture d’oralité ? C’est là un exercice inutile sur lequel il faut éviter d’épiloguer comme l’ont fait Eva Meyerowitz et D. M. Warren. Il faut humblement et par honnêteté intellectuelle, reconnaître que la chronologie à ce propos ne peut qu’être approximative par essence. Cependant la liste que donne Meyerowitz n’est pas à rejeter dans sa totalité, car des noms de rois qu’elle cite se retrouvent dans des traditions orales plus récemment recueillies. Il ne faut pas une fois encore oublier qu’il y a eu un véritable trou de mémoire après la terrible défaite Bono.

         La liste des rois Bono obtenue après consultations des tenants de la tradition orale donne ceci :

Nana ameyaw I (Atta Kyima)

 Asaman

 Brempon Katakyira

Yeboa Kumpi (Ananta)

 Ameyaw Kuma Fiafi (Akumfi)

 Dwamena Kwame

Ameyaw Kwakye[24] (le vaincu de la guerre contre l’Asante)


Nous nous rendons compte que cette liste est bien maigre pour un royaume aussi ancien que le Bono. Les traditions orales impuissantes, se contentent de dire que les tambourinaires qui conservaient la mémoire des rois qui ont régné, avec la guerre, ont fui dans d’autres régions akan. Ainsi l’histoire du Bono est en grande partie plongée dans des périodes obscures. A partir du nom de règne de Yeboa Kumpi appelé Yeboa Ananta l’on peut penser qu’il est celui qui a inauguré une politique d’achat des mousquets européens sur la côte. Or ce commerce a pris de l’ampleur dès la 2ème moitié du 17e siècle. C’est le roi Yeboa Ananta qui grâce à ces armes à feu lancera maintes campagnes contre le Gonja. Ces campagnes victorieuses, permettaient d’acquérir des hommes pour accroître le peuplement du royaume. Or son prédécesseur le roi Brempon Katakyira est mort de famine des suites d’une bataille perdue face à ces mêmes Gonja que les Bono appellent Yabo. A la suite de ces campagnes, des Kabrema qui sont spécifiquement des Ngbanye de Bole s’établiront dans le Bono sous le nom de Mbontisua. Leur établissement actuel à savoir Ayiwaa était appelé anciennement Ayaa Kenten[25].

         Le Kitab Ghunja rapporte un épisode des guerres du Bono contre le Gonja. Il y est dit qu’en l’an 1135 de l’hégire (1722) le Yagbumwura (Ya Mbon Wura/ roi du Gonja) Abbas après 100 jours de règne, est tué par les infidèles Tonawa (allusion aux animistes Bono). La zone d’Ejura naguère Bono et dirigé par Kuruboa Kuwa, sera conquise par des Asona venus d’Ayase en Adanse avec le soutien de Mampong, peu avant la guerre de 1699-1701 qui verra l’indépendance asante vis-à-vis du Denkyira[26].

         Les chefferies de Nyafoman,  Droman, et Diuman intégrés ultérieurement à l’Etat de Nkoranza dépendaient auparavant du royaume Bono. Les terres que contrôlait le chef de Nyafoman pour le compte du Bonohene s’étendaient jusqu’aux alentours d’Abofour et d’Offinso. Ces terres seront occupées par la chefferie asante de clan Asona d’Offinso. Le Nyafomanhene était un chef important dans l’organisation politique du Bono. Il portait le titre de Batafohene Nana[27], (l’ancien des chefs marchands). Il avait sans doute la charge des transactions marchandes

pour le bénéfice de l’Etat. Le Diumanhene était un important chef guerrier du Bono, mais il collaborera avec les envahisseurs asante et s’intégrera donc au royaume de Nkoranza.

         Les premiers et très anciens villages sont généralement nés de campements de chasse. Ces campements de chasse étaient appelés Nan (ce mot désigne la viande et l’animal chez les Anyi et Nzema). Il sera créé des villages anciens comme Akomadan (se dit en fait Ankomanan), Besenan (déformé en Besedan), Yefiri (Tutena), Kukuwa, Boama, Kranka, Boafi, Asueyi, Fiema, Amoman (la cité de la reine-mère. Amoman signifie peuple de la mère) Panyinamisa etc. Sessiman/Sesseman était le fief des Bono du clan Adakwa. Ces Adakwa donneront chez les Anyi le groupe Alangwa (le lien étymologique entre Adakwa et Alangwa saute aux yeux). La cité Bono la plus célèbre de l’histoire sera Takyiman, fondée par Takyi Firi du groupe Djomo[28]. C’est de Takyiman que se réclameront maints groupes akan du Sud originaires du Bono.

         Donko Nkwanta était un établissement Degha (Mo/Grunsi) et sans doute les Bono regardaient ces derniers comme des esclaves potentiels et lançaient des raids contre eux pour se faire des captifs vite intégrés aux différents lignages. Finalement Donko Nkwanta sera intégré au royaume Bono. D’ailleurs Donko Nkwanta signifie carrefour des esclaves. Les Adiaka-Mo nous l’avons indiqué, étaient aussi des Mo-Grunsi qui deviendront Bono par intégration et exerceront la fonction de porte-canne ou porte-parole du roi Bono. Ce qui symbolisera cette fonction est l’Adiaka Poma (une canne surmontée d’un symbole). Ce même désir d’accroître la population de l’Etat Bono explique les guerres contre les Ngbanye du Gonja. A l’issue de ces guerres, la Volta noire (Firaw) deviendra la limite entre le Bono et le Ngbanye (Gonja). Les limites Sud de l’Etat Bono, bordaient des zones futures de l’Asante comme Tafo et Offinso.

         Les rois Bono portaient le titre prestigieux de Bono Kyempem Duoduakwahene mu hene[29] (Bono, roi des rois des guerriers essaimés aux milles boucliers) et usaient du cheval comme animal d’apparat pour parader sur le chemin dit des chevaux (Aponkonkwan). Le grand palais royal était près d’un grand baobab (Dadiekesie). Cette pratique ancienne d’installer le palais royal près d’un grand arbre généralement un baobab ou un fromager était courante dans le monde akan. On verra les Ano avec la dynastie Gyilimanbu perpétuer cette coutume à Famienkro. Les traditions indiquent que les anciens rois Bono s’asseyaient  souvent sur des coussins bourrelets en cuir. Il s’agissait de pouf, appelé Piti par les Akan. Le symbole du pouvoir politique de la dynastie Gilimanbu dans l’Ano est justement un pouf appelé Famissa Piti[30]. Dans le Juaben en Asante et à Anomabo dans le Fante, les poufs font parties des ornements royaux.

               

                             2 – Takyiman héritier du Bono


 

          Pendant le règne du dernier Bonohene, il se produira des troubles internes qui affaibliront le royaume. En effet sous le règne d’Ameyaw Kawkye, des princes de la famille royale se rendront coupables d’exactions sur une partie de la population. Celle-ci divisée à la suite de cet événement résistera mal aux attaques du roi asante Opoku Ware. Manso la capitale sera incendiée par ses propres habitants avant même l’occupation asante. Une fraction de la population voulait avoir un droit de regard sur la direction des affaires du royaume ce à quoi s’opposait le roi Ameyaw Kwakye.

         L’intronisation même d’Ameyaw Kwakye s’était faite alors que le pays était profondément divisé. En effet, son adversaire dans la course au pouvoir était Nsamankwa. Ce dernier mécontent et suivi par Abrekwansi et tous leurs partisans, quittent le royaume et s’installent à Gomoa dans le Fante. Cet événement est rappelé à travers un chant pendant la célébration de l’Apo. « Nsamankwa e Abrakwansi e Ohene ne hwan o (bis) Ohene ne Ameyaw » (Nsamankwa et Abrakwansi qui est le roi (bis) le roi c’est Ameyaw)[31].

         Opoku Ware bénéficera de complicités internes dans le Bono même. Notamment de Bafo Pim le leader des réfugiés Amakom qui, furent accueillis avec bienveillance par les Bono. Le chef de Diuman un important chef guerrier du Bono, optera pour une collaboration avec les envahisseurs et après la guerre se joindra au royaume Nokranza né sur les cendres du Bono[32]. L’invasion asante dans le Bono s’est faite en 1722/23, car au début de 1724 un document hollandais indique que la guerre entre Asante et Bono est terminée[33]. Le principal champ de bataille fut la zone de Boafi. Les Bono dans un premier temps bénéficieront du soutient militaire du royaume Nsawkaw[34].

L’Adumhene Ado Kesse membre de la division Akwamu et chef des bourreaux de l’Asantehene persuade Nsawkaw de  retirer ses

troupes et de se désolidariser ainsi du Bono[35]. La chefferie bono de Nkyira qui fera partie des villages annexés par l’Asante, pour avoir soigné et guérit de ses blessures le Kokofuhene Kyei Kwame, sera placé sous le contrôle du siège de Nsumankwa (siège des guérisseurs de l’Asante, chargé de soigner les blessés de guerre)[36]. Les Asante capturent la reine-mère du Bono Dwamenawa cependant que le roi Ameyaw Kwakye pour éviter pareille sort, se suicide. Des Bono se dispersent dans la plaine d’Asueyi, tandis que d’autres se réfugient dans presque tous les royaumes akan. Certains iront plus loin et s’installeront dans le pays wawolé (baoulé) où, ils donneront le sous-groupe Lomo-Aïtou (remarquons le lien étymologique entre Lomo et Djomo).

         Après la guerre, environ 2/3 du territoire Bono notamment sa partie orientale est donnée à Bafo Pim qui crée le royaume Nkoranza. D’anciennes chefferies Bono comme celles de Nyafoman, Diuman, Mmadubuosu, Adiaka, Sessiman et Droman sont intégrées au royaume Nkoranza. Ce démembrement du Bono, est suivi de l’annexion de 9 gros villages placés sous l’administration de l’Asante même. Il s’agissait de Nkyira, Buoyam, Subinso, Tanoboase, Tuobodom, Tanoso, Offuman, Branam, Nwoase.

         Les Bono qui survivent à la guerre et qui se regroupent dans la vallée d’Asueyi avec le consentement de l’Asantehene Opoku Ware, crée un nouveau royaume avec pour capitale Takyiman. Tributaire et vassal de l’Asante, il fournira des troupes auxiliaires à l’Asante, sans compter le tribut annuel auquel il était astreint. Le premier Takyimanhene qui organisera le nouveau royaume sur la base du modèle politico-militaire

classique akan sera Takyi Akwame et ses successeurs immédiats seront Afena Diamono, et Kyereme Kofi. Le chef asante qui aura la charge de surveiller Takyiman et de veiller à son obéissance sera l’Adamankwahene. Des troupes auxiliaires de Takyiman prendront part à la guerre asante contre Wassa en 1726 et contre l’Abron Gyaman en 1740 et 1818.

         Quand pendant le règne de l’Asantehene Osei Bonsu Panyi/Osei Asibe Bonsu (1800-1824), le roi de Nkoranza, Wiafe subit une expédition punitive des troupes asante, Kyereme Kofi est heureux de trouver là l’occasion de venger le Bono de la ‘’traîtrise’’ de Bafo Pim l’ancêtre des rois de Nkoranza. Il investit pleinement ses troupes dans la campagne et fait prisonnier Wiafe. Il s’empresse de le faire décapiter, malgré qu’Osei Bonsu Panyin lui fait parvenir un message lui ordonnant de ne pas en venir à cette extrémité[37].

         A force de fournir des troupes auxiliaires pour les nombreuses guerres asante, Takyiman sera très affaiblit. Et quand en 1875, le roi asante Osei Mensa Bonsu réclame des troupes à Takyiman pour mater la révolte de Juaben, le Takyimanhene Kwabena Fofie refuse. Cela provoque des affrontements entre l’Asante et Takyiman. De nombreux Takyimanfo (gens de Takyiman) se réfugient dans l’Abron Gyaman tandis que des guerriers commandés par Yeboa harcèlent les troupes asante[38].

 

                    3 – Abease : royaume de fugitifs Bono crée après la défaite face à l’Asante (1722/1723)


 

Les vaincus Bono de la guerre de 1722/23 iront créer plus à l’Est le royaume d’Abease sur des terres anciennement peuplées par des Guan Nchumuru. La rencontre entre Akan et Guan ici se fera sans heurt. Les Guan pour éviter tout conflit ont reçu de bon cœur ces migrants akan[39]. En fait les zones d’Abease et d’Atebubu étaient sur les limites orientales du royaume Bono. C’est ainsi que très aisément des dirigeants Bono, créeront un royaume nouveau à Abease sans opposition de la part des autochtones Nchumuru. Le lignage royal d’Abease dont la capitale est Komfoarkrom et le siège de commandement appelé Kokroko Nyomakwa se veut une branche du lignage royal Bono.

         Le lignage royal Bono disent les traditions d’Abease avait 3 segments au moment de la défaite de 1722/23. Le segement dont est issu celui d’Abease s’appelait Safi, et descend de Komprewa la sœur de Kokroko Nyomakwa le leader de l’exode. Certains sièges royaux au moment de la défaite ont été  sauvés par le chef guerrier Aso Okai. Au cours de leurs déplacements vers l’Est, les fugitifs sont passés par Droman où est décédée Komprewa et où est demeuré le chef guerrier Apena Kwame ainsi que ses hommes. De Droman, les migrants vont à Kintampo où ils affrontent le guerrier Damoa Kwame qui est vaincu et tué. Kintampo est occupé pendant un moment (le ruisseau Panpun de Kintampo depuis ces événements est tabou pour les rois d’Abease). De là, ils vont à Bamfari où une partie de leur trésor est caché dans le lit du ruisseau Abudjo. Les migrants près de la rivière Nwansan se divisent en deux groupes, l’un sous la direction d’Aso Okai prend la direction Sud-Ouest et l’autre prend la direction Nord-Est.

         Après leur jonction, ils font la rencontre des Guan Nyabuwamu dont le chef était Ewura Kawkaw. Les migrants arrivent à Papaase. Là, Takyi le fils  de Kokroko Nyomakwa très épuisé par la longue marche, il a fallu faire une pause, de sorte que le site fut appelé Takyiguase. Les Bono d’Abease disent qu’au moment où ils ont quitté Manso, ils disposaient de beaucoup de mousquets. D’autres autochtones Guan seront rencontrés par Aso Okai qui en fait ouvrait le chemin devant Kokroko Nyomakwa. Ces Guan ont été surnommés Ntsrobore (nous remercions Dieu) parce qu’ils n’ont fait aucune difficulté pour accueillir les Bono qui prennent le nom de Safi. Une alliance entre eux se fait et les autochtones demandent que les Bono cessent la pratique des sacrifices humains rituels, car disaient-ils, les génies de leur terre n’aimaient pas cela. Le génie tutélaire des autochtones Guan se nommait Abe, de sorte que la zone sera appelée Abease (sous Abe).

         Très vite, Abease se soumet à la domination asante sans aucune résistance en payant tributs et en fournissant des contingents auxiliaires. Tachie le 3ème Abeasehene, combattra pour le compte du roi asante contre le  roi de Banda Sakyi appelé Worosa par les Asante[40]. Depuis cet événement l’Abeasehene porte le titre d’Okomahene (il se bat pour le roi, entendre le roi asante). Les rois d’Abease sont restés fidèles à l’autorité de l’Asantehene qu’ils servaient à travers le Mamponghene. Seules disent les traditions le 4ème Abeasehene Kwadwo Buo avait projeté de libérer son royaume de l’influence asante sans pouvoir mettre à exécution son projet, ayant été fauché brutalement par la mort. Son successeur Kwabena Kuru a combattu aux côtés des Asante dans la guerre de Kofi Kari Kari (roi asante) à Krepi en 1869.

         Le siège de chef guerrier de l’avant-garde d’Abease est détenu par un lignage originaire de Mampong en Asante qui depuis l’époque des guerres d’unification d’Osei Tutu en Asante (peu avant la guerre de 1699-1701), est venu s’établir dans le Bono sous la conduite de Kwame Safo. Pour sceller l’alliance avec ces réfugiés, le roi Bono épousera Dwira Sakyiwa la sœur de Kwame Safo. Aso Okai est justement un descendant de Dwira Sakyiwa. Une fraction des guerriers d’Aso Okai qui a perdu beaucoup d’hommes dans la guerre de Kintampo en s’établissant à Krebeatenase, prendra le nom évocateur d’Owuasadom (les guerriers qui en ont eu assez de la mort). Après le décès de Kokroko Nyamakwa considéré comme le premier roi d’Abease et dont le siège noir est le trône du royaume, Aso Okai assurera la régence.

         Les autochtones Guan Ntsorobore, formaient un même groupe avec les Guan d’Atebubu et de Kumfia. Toute la zone d’Atebubu, Abease et Kumfia était de peuplement Guan, précisément Nchumuru et dont les ancêtres étaient précédemment à Prang. Tous ces Guan se veulent de clan Aduana. Clan qui dans la tradition akan est dit le premier occupant de la terre. Le chef des Ntsobore porte le titre d’Asasewura (chef de terre). Abease a gardé des rapports étroits avec Takyiman, Droman et Mampong[41]. Le royaume d’Abease est donc né autour de 1730 (soit 8 ans après la guerre de 1722-1723).

 

          A2- Le royaume de Nsawkaw


 

                        1 – La fondation de Nsawkaw et son histoire


La carte hollandaise de Moure fait mention de Nsoko et de sa cité marchande Bégho. Insoko dit un écrit est à 5 journées de la côte, ses habitants fabriquent des habits et d’autres produits artisanaux[42]. Les traditions orales ici aussi, parlent des ancêtres comme ayant émergé d’une grotte, celle de Hani ou être sortis de terre à Nsesrekesieso à 5 km au Nord- Ouest de Hani. Le Nsawkawhene est de clan Asona et il est généralement admis que les Asona et les Aduana sont les premiers clans à avoir peuplé la région. Leur langue est le Bono et a toujours été le Bono. Nsawkaw, Wenchi et Bono disent les traditions orales de Hani sont des peuples frères, leurs ancêtres étaient des Bono[43]

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         A propos du sens du nom Nsawkaw, la tradition de Hani le lie au nom de l’aïeule Aso, qui a vécu longtemps. Ses fils ayant eu la nouvelle de son décès au moment où ils s’y attendaient le moins, se sont exclamés Aso a ko (Aso est parti, entendre décédée). Le nom du peuple sera alors Asoko (singulier) et Nsoko (pluriel). En réalité l’Aïeule Aso est l’aïeule dont se réclament tous les clans Asona[44]. Nous pensons que le nom des groupes Bono qui ont fondé Nsawkaw devait être Asokwa (les guerriers Aso ou plutôt les guerriers Asona) dont le pluriel a donné Nsokwa (transcrit Nsoko ou Nsawkaw). Ce clan Asona en compagnie des Aduana comme tous les autres clans Bono a antérieurement vécu au Nord de la Volta noire. Quand la migration vers le Sud de ce fleuve  se fait et que dès le 5è siècle certains s’installent dans le Bono pour créer Manso, d’autres vont créer Nsawkaw et Wenchi.

         G. N. Kodjo cite un document précolonial local qui dit qu’au moment de la guerre entre Al Bata Ouattara et Ali à Bégho, le roi régnant de Nsawkaw était le 73e  de la liste dynastique[45]. Cette guerre a eu lieu en 1597/1598, en considérant que les rois de Nsawkaw ont eu en moyenne un intervalle de règne de 10 ans chacun l’on peut déjà situer la fondation de Nsawkaw par rapport à ces données autour de 867 soit au 9e siècle. Les autochtones Bono de Nsawkaw étaient eux-mêmes composites et comptaient des sous-groupes comme les Werempe (les Werempe se retrouvent à Bono comme nous l’avons déjà indiqué) dont le chef a toujours eu le privilège d’introniser le Nsawkawhene[46]. Il y avait aussi les Koti, Mbontisua (des Mbontisua vivaient à Ayiwa dans le Bono) Mena, Atabiako et des éléments spécifiquement Guan comme les Dompo (Dumpo)[47] et les Kabrema (l’on retrouve des Kabrema dans le Ngbanya à Bole).

Les Bono de Nsawkaw possédaient des récipients sacrés en cuivre auxquels ils donnent une origine céleste. Les deux les plus vénérés étaient l’Ayaa Kenten (en fait Ayiwa Kenten)[48] et l’Ayaa Kabrema. Remarquons là le nom Kabrema celui  d’un groupe constitutif du peuple Nsawkaw et d’origine Guan. La reine-mère avait la garde de l’Ayaakenten, censé protéger le pays des calamités et particulièrement de la sécheresse. Les Bono de Nsawkaw ont un lieu très sacré appelé Nana Kwaèe (forêt des ancêtres) qui se trouve à Worosa. Là se pratique encore un dialecte bono très hermétique et très difficile à comprendre. Un vestige qui témoignage de l’implantation ancienne des Bono Nsawkaw.

Les premiers monarques à avoir posé les bases du royaume Nsawkaw disent les traditions, sont Gyan Pentene et Kutu ne Bente (Benne) (il s’agit sans doute de frères jumeaux qui ont régné concomitamment car Kutu ne Bente veut dire Kute et Bente). Ici comme au Bono une grande partie de l’histoire du royaume qui précède la domination asante est oubliée, d’où la non exhaustivité de la  liste dynastique pour un royaume aussi ancien[49]. Les traditions cependant se souviennent du roi Asunkunu Bore comme le Nsawkawhene qui envoya des troupes voler au secours du royaume frère de Bono confronté aux attaques des guerriers asante du roi Opoku Ware. Après que l’Adumhene ait convaincu le roi de Nsawkaw de retirer ses troupes, des négociations aboutissent à l’entrée pacifique du royaume Nsawkaw dans le giron asante. Dès lors comme royaume tributaire, Nsawkaw fournit des troupes auxiliaires à l’Asante, et prend part à ses guerres contre le littoral fante en 1806-1807, à la bataille de Dodowa en 1826 et peu avant, à la guerre contre l’Abron Gyaman en 1818.

Excédés par ces nombreuses sollicitations, et la mort tragique du Nsawkawhene Duodu dans la bataille de Dodowa, les Bono  de Nsawkaw refusent de prendre part à la courte campagne asante de 1863 pendant le règne de l’Asantehene Kwaku Dua contre les Wassa. Les Asante en guise de représailles détruisent la cité de Nsawkaw et celle d’Asonomenu. Après cet événement, les Bono de Nsawkaw se regroupent dans leur nouvelle capitale Hani, appelée aussi Hani Nsawkaw[50].

  

2 – La cité marchande de Bégho et les guerres civiles

 

          Assez tôt, probablement dès les 11è et 12è siècles, (le site de Nyarko à Bégho a été daté au carbone 14c, comme remontant aux 11è/12è siècles)[51], les Bono de Nsawkaw vont accorder l’hospitalité à des groupes mandé, d’abord les Ligbi, les Huela et les Numu appelés ensemble Namassa. Peu avant ces premiers mandé, des Senoufo principalement des Nafana connus aussi sous le nom de Mfantra ont été reçus par les Bono de Nsawkaw. Ces étrangers Mandé de confession musulmane, seront mis à part dans un quartier à eux dans la cité de Begho (appelée aussi Beeo ou Bigo). Des groupes résiduels de Proto-Mandé comme les Gbin et les Goro vivaient aussi à Begho.

         Analysant le parler Ligbi, C. Painter a estimé qu’il  y a 2900 ans que ceux-ci se sont séparés des autres Mandé[52]. Ces populations que les Akan appelaient Ntafo ou Wangara vivaient dans leur quartier qui avaient des murs dont dit-on, les ruines sont encore visibles. Sans doute à l’image des fortifications appelées Tata dans le moyen Niger. La carte hollandaise de Moure parle de la zone de Begho comme insoco, qui ne produit pas de l’or, mais détient de nombreuses marchandises, et donc est très fréquentée par les marchands acanistes. Begho était donc une cité marchande, et l’une des grandes controverses à son propos est la période pendant laquelle elle a été détruite par la guerre civile. Elle fut une plaque tournante des pistes caravanières qui reliaient le Moyen Niger au monde Akan. Les marchands dioula et acanistes s’y rencontraient pour commercer.

         Pour Eva Meyerowitz la guerre civile qui a abouti à la destruction de Begho s’est produite dans le courant de la première moitié du 17è siècle[53]. P. L. Shinnie et P. C. Ozanne avancent la date de 1709[54]. Posnansky propose la date du 1725 et Timothy F. Garrard la situe pendant le règne de l’Asantehene Osei Kwame (1777-1803)[55]. Quant à Tauxier il estime que ce fut en 1500 que cet événement s’est produit. D’après les traditions orales de Hani, la guerre civile est née des suites d’une dispute entre les fils du Nsawkawhene et des jeunes musulmans à propos de marchandises dont ils ne sont pas tombés d’accord sur la transaction. Les affrontements se sont faits avec des arcs et des flèches car il n’y avait pas encore de fusils à cette époque dans la région. Après la guerre, certains de ces Ntafo sont allés à Bondoukou.

         Plusieurs guerres ont en réalité touché Begho. D’abord celle qui s’est produite en 1597/1598 au sein même de la communauté musulmane et dont les protagonistes  ont été Al Bata Ouattara et Ali. Le document local que cite G. N. Kodjo dit que le conflit est né pour des raisons futiles (Dhifilan)[56]. L’on en fait un épisode de la guerre de Mali contre Begho qui pour Yves Person, aurait eu lieu vers 1549-1550[57]. Faisons remarquer que par rapports aux périodes indiquées, c’était l’époque de l’empire Songhaï et non de l’empire du Mali. Ensuite il y aura à  proprement dit la guerre qui opposera les Bono de Nsawkaw aux musulmans, et qui comme l’indique les traditions a eu lieu avant la généralisation de l’usage des armes à feu sur la côte de l’or[58]. Cela nous  amène à pencher pour la période de la première moitié du 17è siècle tout comme Eva Meyerowitz.

         Après la destruction de Begho, les communautés  mandé vont s’établir à Buna, dans le Gonja, dans le Banda et à Bondoukou. D’autres événements au 18è siècle, vont accroître les déplacements de ceux-ci vers l’Ouest et leur installation massive dans l’Abron Gyaman précisément dans le Barabo. Pour rappeler l’origine de ces Mandé qui ont vécu à Begho dans le royaume akan de Nsawkaw, ils sont parfois appelés Nsoko. Les Ano et les Anyi Djuablen appellent encore aujourd’hui les Mandé de cette façon. Les Ngbanya ou Gonja les appellent Nso ou Nsogo, et en Twi ce mot devenu Nzongo désigne les quartiers musulmans[59].

         La destruction de Begho a provoqué la dispersion de sa population. Les Mandé demeurés dans la zone créeront Namassa, les Nafana s’installeront à Debibi, et certains Bono de Nsawkaw créeront Abamufua. Les Mena, des Bono Nsawkaw convertis à l’Islam s’installeront dans la zone de l’actuel Soko en expulsant les Kulango (ceux-ci sont appelés Nkoran par les akan) qui y vivaient. Ces derniers qui ont perdu leur chef appelé Kakafo dans les combats, sous la conduite de la reine Biya se sont installés dans le Banda. Les Mena dans cette entreprise ont eu le soutien des Bono Nsawkaw du sous-groupe Atabiako.

 

         A3- Le royaume de Wenchi

                   1 – Wenchi des origines à la bataille d’Ahwene Kôkô

         La carte hollandaise de Moure de 1629 dit de Wanquie que c’est un pays qui fabrique de beaux  habits, produit de l’or et commerce avec les Acanistes[60]. Les traditions orales ici aussi lient les origines des hommes du pays à leur émergence d’un trou, d’une grotte près du village d’Ayesu[61]. Les ancêtres ont vécu là près de cette grotte pendant près d’un siècle, avant de créer Ahwene Kôkô la première capitale du royaume. Ce nom est lié au fait que le siège royal était incrusté de perles rouges. (Ahwene (perle), Kôkô (rouge)). C’est une pratique ancienne que l’on retrouve un peu partout dans le monde akan. Les sièges du Denkyira et de l’Akyem Kotoku étaient aussi incrustés de perles. Les ancêtres des Wenchi vont vivre pendant quatre siècles à Ahwene Kôkô.

         Les Wenchi sont en fait des Mbon, des Bono qui relèvent du mouvement général de la descente des Akan depuis la vallée de la Volta noire. Pendant que les Bono s’installaient près de la grotte d’Amowi puis Manso, les Nsawkaw près de la grotte de Hani, les Wenchi eux s’installaient à Ayesu. Si par rapport à la datation du site de Manso au 5° siècle, nous estimons que ces mouvements de populations ont eu lieu à cette même période, c’est dire  que le royaume de Wenchi a été créé quelques siècles plus tard, quand la capitale Ahwene Kôkô est fondée et le siège aux perles rouges consacré. Si les ancêtres Wenchi ont vécu près d’un siècle à Ayesu avant de fonder Ahwene Kôkô, l’on peut penser que le royaume de Wenchi est né entre les 6è et 7è siècles.

         Le nom du peuple, à savoir Wenchi vient de Wa (nobles) pluriel de Ba/Bafo et Kyi, ancien qualificatif des Akan qui signifie attraper, s’emparer de. Plus précisément lorsqu’on dit Katakyie ou Kôtôkôkyie, l’on fait allusion au guerrier intrépide et victorieux. Wenchi veut donc dire les nobles intrépides. Les premiers clans à avoir peuplé le pays et conçu le royaume sont les Yefrefo (lignage royal et premier occupant de la zone), Nkwaduasefo (gens sous le bananier), Sôfoasefo (gens sous l’arbre sefo)[62]. Les mouvements migratoires qui sont partis des zones bono pour les zones akan Sud, ont concerné Wenchi. En effet des clans comme celui des Asona de Wenchi dans l’Asahié Anhwiaso (Sefwi Anhwiaso) se réclament de Wenchi[63]. Par contre entre 1660 et 1690, Wenchi donne asile à de nombreux ex-Akwamu qui se regroupent dans la zone d’Abessim.

         Les Asante du roi Osei Tutu en guerre contre les Ex-Akwamu, pourchassent ceux qui s’étaient réfugiés à Abessim et par surprise, attaquent Ahwene Kôkô[64]. C’est K. Y. Daaku qui le premier sur la base de documents hollandais, a pu avec exactitude situer la date de la destruction d’Ahwene Kôkô. Ce document dit ceci : « Le zaay a envoyé une armée d’environ 3000 hommes contre une contrée de l’intérieure appelée Affindie Coco, située entre Asjantijn et l’Ouwien »[65]. A juste titre K. Y. Daaku a reconnu Ahwene Kôkô à travers Affindie Coco et Osei Tutu à travers le zaay. Il a donc situé l’attaque asante contre Ahwene Kôkô vers 1712, car déjà  en 1715 les Asante guerroyaient contre l’Aowin[66]. Or cette guerre asante-aowin est la conséquence directe de la bataille d’Ahwene Kôkô.

         En effet, les Asante en voulaient aux Aowin pour avoir donné asile au corps expéditionnaire asante qui après le sac d’Ahwene Kôkô, s’est réfugié avec le butin en Aowin. Nous estimons que la date de 1714, soit une année avant la guerre asante-aowin, indique le mieux la période de la destruction d’Ahwene Kôkô. La bataille d’Ahwene Kôkô est un épisode de la guerre d’Abessim qui opposera les ex-Akwamu aux Asante. Après leur victoire, et le décès du Wenchihene Anye Amaniempon, les Asante amènent en captivité la reine-mère de Wenchi Aheneba Atoa Yaa. La population de Wenchi en grand nombre s’exile en Akyem, Nzema, Aowin, Wassa, Asahié et bien d’autres régions akan[67]. Les Wenchi qui sont demeurés dans le pays se regroupent à Edwadiè et créent la cité de Wenchi.

         C’est disent les traditions de Wenchi avec l’appui d’Okomfo Anokyi, que la reine-mère Aheneba Atoa Yaa retrouva la liberté et rentra à Wenchi pour établir sa cour à Adaagye. Désormais, le royaume de Wenchi est vassal de l’Asante.

                   2 – Wenchi sous la domination asante

         Tout comme les autres royaumes sous domination asante, Wenchi aura le devoir de fournir des troupes auxiliaires pour soutenir les efforts de guerre asante. C’est ainsi que le Wenchihene Ohene Gyan, prendra part aux côtés d’Opoku Ware à la guerre de conquête de l’Abron Gyaman par l’Asante[68]. De retour de cette campagne, les Wenchi avaient le souci de voir croître leur population. C’est ainsi que le régent Nkatia Koasi à l’époque du roi asante Kusi Obodom (1750-1764), lance des attaques contre les Degha de Mansra pour se faire des captifs. Cette entreprise mécontente le roi asante parce que non seulement Nketia Koasi ne l’avait pas informé de ses projets et aussi parce que les Degha de Mansra étaient eux-mêmes sous la domination asante.

         A campagne victorieuse de Nketia Koasi contre Donto le chef des Degha de Mansra, a sans doute eu lieu autour de 1752. Les Wenchi avec la pression de l’Asantehene Kusi Obodom, déposent Nketia Koasi et les affaires du royaume sont confiées à la reine-mère Afua Frema[69]. Elle mènera les troupes de Wenchi dans la guerre de 1818, qui opposera Osei Bonsu Panyi de l’Asante à Kwadwo Adingra de l’Abron Gyaman. Le roi Abrefa Kodjo succédera à la reine Afua Frema. La tradition retient qu’il prendra part à la campagne asante contre le Nkoranzanhene Wiafe. C’était sous le règne du roi asante Osei Bonsu Panyi (1800-1824). Etant donné que la reine Afua Frema régnait encore en 1818, nous situons l’épisode de la campagne contre Wiafe vers 1822 et donc l’accession au trône d’Abrefa Kodjo en 1820.

         Ce roi de Wenchi a eu un règne très long car il prendra part à la campagne d’Adu Bôfoô en pays Ewe à Krepi en 1869. Il se battra aux côtés de l’Asantehene Kofi Kari Kari dans la guerre de Sagrenti (1873-1874) contre le littoral fante. En 1875, il est impliqué dans le conflit entre le Nkoranzahene Efa Guakoro et le Takyimanhene Kwabena Fofie. Il avait reçu l’ordre de joindre ses troupes à celles du Jamasehene Brobe de Kumase, qui avait mission de mater l’insubordination du roi de Takyiman[70]

        

      A4- Le royaume de Nkwanta


 

  1 – Origines et peuplements humains dans l’espace Nkwanta


 

Quatre points importants de l’histoire de Nkwanta sont à relever. Le flou qui entoure l’origine du lignage fondateur du royaume, la difficulté de créer un Etat indépendant dans un premier temps aux portes du Bono et dans un espace bono. Les guerres entre ex-Akwamu et Asante touchent durement Nkwanta, qui a reçu une grande affluence de réfugiés d’origine Akwamu et de leurs alliés Mansin d’origine Denkyira. Ces guerres vont provoquer un dépeuplement important de Nkwanta. Après la soumission à la suzeraineté asante, se fait la reconstruction du royaume, la création de nouveaux villages soit par des Nkwanta qui après s’être réfugiés dans les royaumes voisins reviennent au pays ou soit par l’apport de nouveaux migrants.

         Les traditions orales de Nkwanta même disent que le lignage royal a une origine céleste, que le roi Nana Dua Yaw et la reine-mère Sèwa sa sœur sont descendus du ciel à l’aide d’une chaîne en or appelée Adweaben[71]. Des textes tambourinés des Nkwanta de l’Abron Gyaman indiquent que le nom ancien de ce peuple est Npona[72]. Nous avons déjà indiqué comment le suffixe Na auparavant dans les proto-langues akan signifiait famille. Le terme po/pô désigne l’océan, la mer. Les Npona sont donc les gens de l’océan, de la mer. Cet indice est l’une de nos approches quant à notre perception de l’origine du lignage fondateur du royaume Nkwanta. Mais avant de développer notre thèse, relevons que la tradition orale de Takyiman se contente de dire que le royaume de Nkwanta a été fondé par un chef de clan Kona qui dépendait du Bonohene.


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D
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Z
lhistoire permet a lhomme de connaitre son passe et son origine
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