Pour que l’Histoire nous instruise, nous devons la rendre compréhensible-Lydie Ho Fong Choy Choucoutou

Publié le par Munsa Mâga

Pour que l’Histoire nous instruise, nous devons la rendre compréhensible.
Nous avons demandé à Lydie Ho Fong Choy Choucoutou de se
livrer à cet exercice salutaire. Elle l’a fait avec ce talent si particulier qui lui
permet de se tenir à bonne distance : assez concernée pour comprendre de
l’intérieur ; pas trop impliquée afin d’offrir une lecture utilement critique. Sa
contribution intégrale est sur les sites signalés.

« Cesser d’être etrangers à nous-mêmes…»
[…] Quand
Quand donc cesseras-tu d’être
le jouet sombre
au carnaval des autres
ou dans les champs d’autrui
l’épouvantail désuet […]


Les partisans du 73 ou du 74 affûtent leurs arguments mais le débat est
à l’évidence biaisé. Les pro-73, se plaçant résolument sur le plan émotionnel,
s’appliquent à distiller le venin de la peur en évoquant une entreprise
aventureuse. Les partisans du 74, insistent eux, sur l’opportunité
d’initier le processus de responsabilisation favorisant la prise en mains des
intérêts guyanais par les Guyanais. Les arguments se télescopent simplement
parce qu’ils n’appartiennent pas au même registre. Autrement dit,
pour les uns, le statut-quo doit être préservé même si l’économie de comptoir
doit perdurer, les rentes de situation continuer à prospérer et les
Guyanais assister impuissants à la mise « à l’encan » de leur pays tandis
que pour les autres, le choix du 74 relève d’un sursaut éthique à la fois individuel
et collectif.
L’opposition entre le 73 et le 74 redonne vie au clivage binaire qui s’est
déjà exprimé dans le processus historique guyanais à travers deux
hommes dont les parcours sont emblématiques des choix politiques à effectuer.
D’un côté, le poète Damas lucide qui, en pleine euphorie assimilationniste,
des années 30, s’était opposé à l’illusion lyrique de l’assimilation
tandis que Monnerville lui s’en était fait le défenseur . Aujourd’hui, ce
terme devenu obsolète est remplacé par des euphémismes comme « rester
dans le droit commun ou conserver l’identité législative ». Plus de soixante
après, que ce même débat soit encore d’actualité confirme bien que
politiquement la Guyane a vécu un « arrêt sur images » et que, le moment
est venu de réactiver le processus pour se réinscrire dans le sens de l’histoire…
Le 73 ou la renonciation à être soi
Les pro-73 se livrent à une opération de manipulation de l’opinion. Ils
s’adressent délibérément non à la raison des électeurs mais avant tout à
leurs affects. Sans doute, ce choix procède t-il de l’inconsistance politique
de leur argumentaire.
Délibérément, ils induisent en erreur la population alors qu’ils savent pertinemment
que ce processus s’effectuera dans le cadre de la Constitution.
Qu’ils se rassurent donc, les intérêts français en Guyane ne sont pas en
danger.
Ils utilisent le chantage du risque pécuniaire et martèlent qu’en raison du
désengagement de l’Etat, comme si celui-ci n’était pas déjà en cours, les acquis
sociaux seront remis en cause et les subventions seront moins subs
tantielles sans oublier la manne des fonds européens appelée à disparaître. Cette insistance à réduire un choix politique aussi important à la perte ou non des subsides alloués par l’Etat est très révélatrice d’une posture privilégiant la politique du ventre à l’ambition de la dignité.

Plus signifiant encore est me semble t-il, le slogan « nou poko paré » qui dévoile à la fois la vacuité du discours politique et une vision de soi particulièrement dégradante. Cette formule affligeante affiche au monde leur pusillanimité qu’ils justifient en parlant de saut dans l’inconnu comme si les processus historiques ne sont pas ponctués par des ruptures dessinant un avant et un après. Où en serions-nous si, en 1848, les esclaves avaient raisonné de cette manière, au moment de l’abolition ?

« Nou poko paré » est l’aveu d’une incapacité quasi-génétique à vouloir se prendre en mains, exposant à la face du monde, l’intériorisation de leur infériorité, refusant l’opportunité d’une émancipation, si minime soit-elle, offerte par la tutelle étatique…
Ce slogan démagogique instrumentalisant à dessein la langue créole, il faut viser large pour bien atteindre la cible, une communauté humaine formatée dans l’assistanat, est à la fois la traduction d’un refus de prendre place au monde et d’une double renonciation à nos prérogatives d’homme et à notre émergence comme peuple guyanais. Cette posture est une insulte pour tous ceux qui, dans l’histoire de l’humanité, se sont libérés de la servitude et de l’oppression et tout particulièrement les esclaves...


Lydie Ho-Fong-Choy Choucoutou
-
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article