Les Oubliés de la shoa - par KA MANIOK
« L'Histoire, la vraie: SHOAH, les NOIRS aussi.
...Bien des soldats noirs tombés aux mains des Nazis furent incarcérés illégalement et
maltraités, ceci à l’encontre des règles des Conventions de Genève (Conventions internationales sur la conduite de la guerre et le traitement des soldats blessés et prisonniers). Les soldats
noirs des armées américaine, française et britannique furent enrôlés dans des travaux forcés de construction, parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive, ou moururent de mauvais traitements dans des
camps de prisonniers de guerre. D’autres ne furent même jamais faits prisonniers : ils furent immédiatement tués par les SS ou la Gestapo.... »
Claire Aymes
Les persécutions des Noirs, de 1933 à 1945, en Allemagne nazie et dans les territoires
occupés par celle-ci, se manifestèrent par l’isolement, la stérilisation, les expériences médicales, l’incarcération, les brutalités et les meurtres. Toutefois, les Noirs ne firent pas l’objet
d’un programme d’extermination systématique comme ce fut le cas pour les Juifs et d’autres groupes de population.
Après la Première Guerre mondiale, les forces de l’Entente privèrent l’Allemagne de ses
possessions coloniales. Les soldats allemands qui s’y trouvaient (Schutztruppen), ainsi que les missionnaires, les bureaucrates et les colons allemands rentrèrent au pays et y rapportèrent leur
racisme. La séparation entre Blancs et Noirs fut ordonnée par le Reichstag (Parlement allemand), qui édicta une loi contre les mariages mixtes dans les colonies africaines.
Suite à la Première Guerre mondiale et au Traité de Versailles (1919), les forces
victorieuses occupèrent la Rhénanie, dans l’ouest de l’Allemagne. L’utilisation de troupes coloniales françaises, en partie composées de Noirs, dans le cadre de ces armées d’occupation,
exacerbèrent le racisme anti-noir en Allemagne. La propagande raciste allemande dépeignit alors les militaires noirs comme des violeurs de femmes allemandes et les accusa d’être porteurs de
maladies, en particulier, vénériennes. Les enfants de soldats noirs et de femmes allemandes furent appelés les « bâtards de Rhénanie ». Les Nazis, qui n’étaient encore qu’un petit mouvement
politique, les considéraient comme une menace pour la pureté de la race germanique. Dans son livre Mein Kampf (Mon combat), Hitler accuse les Juifs d’avoir intentionnellement amené les « Nègres »
en Rhénanie, afin de porter atteinte à la race blanche, par un inévitable « abâtardissement ».
Les enfants « mulâtres », afro-allemands, furent marginalisés dans la société
allemande. Ils furent socialement et économiquement isolés et il leur fut interdit de faire des études supérieures. La discrimination raciale leur rendit impossible l’accès à de nombreux postes,
y compris dans l’armée. Avec la montée du nazisme, ils devinrent une cible de la politique raciale. En 1937 déjà, la Gestapo (police secrète allemande) avait procédé à des rafles discrètes et
effectué des stérilisations forcées sur certains d’entre eux. D’autres furent sujets à des expériences médicales, alors que certains disparurent mystérieusement.
La nature raciste du régime de Hitler fut brièvement occultée pendant les Jeux olympiques
de Berlin en août 1936, quand Hitler permit à 18 athlètes noirs de participer à la compétition au sein de l’équipe des États-Unis. Cependant, l’autorisation de prendre part aux Jeux était
accordée par le Comité international olympique et non pas par le pays hôte.
Les Allemands ayant la peau noire furent aussi victimes de persécutions racistes et
raciales. Aussi bien avant qu’après la Première Guerre mondiale, beaucoup d’Africains se rendaient en Allemagne : ils étaient étudiants, artisans, artistes de cabarets, anciens soldats ou petits
bureaucrates coloniaux, tels les leveurs d’impôts, qui avaient travaillé pour le gouvernement colonial. Hilarius (Lari) Gilges, un danseur professionnel, fut assassiné par les SS en 1933,
probablement parce qu’il était noir. Après la Seconde Guerre mondiale, son épouse, allemande, reçut une indemnité du gouvernement allemand pour le meurtre de son mari par les
Nazis.
Certains Noirs américains, capturés en Europe occupée par l’Allemagne durant la Seconde
Guerre mondiale, furent aussi victimes du régime nazi. Nombre d’entre eux, comme l’artiste de jazz Valaida Snow – une femme -, furent emprisonnés dans les camps d’internement de l’Axe pour les
nationaux étrangers. L’artiste Josef Nassy, qui vivait en Belgique, fut arrêté au titre d’ennemi étranger et détenu pendant sept mois dans le camp de transit de Beverloo, en Belgique occupée par
l’Allemagne. Il fut transféré ultérieurement en Allemagne, où il passa le reste de la guerre dans le camp d’internement de Laufen et dans son sous-camp, Tittmoning, en
Haute-Bavière.
Les Noirs européens et américains furent aussi pris dans le système concentrationnaire.
Lionel Romney, de la marine marchande américaine, fut emprisonné à Mauthausen. Jean-Marcel Nicolas, un citoyen haïtien, incarcéré dans le camp de concentration de Buchenwald puis dans celui de
Dora-Mittelbau. Jean Voste, un Belge d’origine africaine, fut emprisonné dans le camp de concentration de Dachau. Bayume Mohamed Hussein, du Tanganika (aujourd’hui la Tanzanie) mourut dans le
camp de Sachsenhausen, près de Berlin.
Bien des soldats noirs tombés aux mains des Nazis furent incarcérés illégalement et
maltraités, ceci à l’encontre des règles des Conventions de Genève (Conventions internationales sur la conduite de la guerre et le traitement des soldats blessés et prisonniers). Le lieutenant
Darwin Nichols, un pilote noir américain, fut incarcéré dans une prison de la Gestapo à Butzbach. Les soldats noirs des armées américaine, française et britannique furent enrôlés dans des travaux
forcés de construction, parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive, ou moururent de mauvais traitements dans des camps de prisonniers de guerre. D’autres ne furent même jamais faits prisonniers : ils
furent immédiatement tués par les SS ou la Gestapo.
Quelques Noirs des forces armées américaines furent des libérateurs des camps et ainsi
témoins des atrocités nazies. Le bataillon 761 (une unité de blindés entièrement composée de Noirs), rattaché à la 71ème Division d’Infanterie de la IIIème armée américaine, placée sous le
commandement du général Georges Patton, participa, en mai 1945, à la libération de Gunskirchen, un sous-camp du camp de concentration de Mauthausen.