"La haine de l'occident" ou "Le face à face de l'humiliant et de l'humilié" par Jean Ziegler

Publié le par Munsa Mâga

"La haine de l'occident" ou "Le face à face de l'humiliant et de l'humilié" par Jean Ziegler


Où qu'il aille, dans l'exercice de ses fonctions internationales, Jean Ziegler est frappé par l'hostilité de principe que les peuples du Sud manifestent à l'endroit de ceux du Nord. Jusqu'à rendre parfois impossible l'adoption de certaines mesures d'urgence en faveur des plus démunis. Dans ces conditions, localiser les racines de la haine que le Sud voue désormais à l'Occident, et réfléchir aux moyens propres à l'extirper, est devenu une question de vie ou de mort pour des millions d'hommes, de femmes et d'enfants à la surface du globe. Comment contraindre le nouvel ordre du capitalisme mondialisé à cesser de soumettre le reste du monde à sa domination meurtrière, comment conduire l'Occident à assumer ses responsabilités ? Comment faire en sorte qu'au Sud, l'horizon de l'état de droit ne soit pas récusé du fait des injustices qui sont commises en son nom ? Dans quelles conditions le dialogue peut-il être renoué ? Des réponses sont apportées à ces questions au long d'un parcours documenté, riche en expériences de terrain - du Nigeria à la Bolivie, des salles de conférences internationales aux villages les plus déshérités de la planète -, sur un mode toujours vibrant et engagé. En forme d'hommage, si l'on veut, aux deux puissantes voix tutélaires qui hantent ce livre, celle d'Aimé Césaire et celle de Wole Soyinka.


Jean Ziegler rappelle que ce que Karl Marx écrivait déjà en son temps : "Le capital arrive au monde suant le sang et la boue par tous les pores. Il fallait pour piedestal à l’esclavage dissimulé des salariés en Europe, l’esclavage sans fard dans le nouveau monde (...) Les trésors directement extorqués hors de l’Europe par le travail forcé des indigènes réduits en esclavage par la concussion, le pillage et le meurtre, refluaient à la mère patrie pour y fonctionner comme capital", est toujours vrai.


A propos des conséquences bien actuelles de cette politique, qui a pris le nouveau visage du néo-libéralisme, il souligne à quel point "le sous-développement a été accru par les mercenaires de l’OMC et du FMI".


Toutes les 5 secondes, un enfant de moins de 10 ans meurt de faim. 100.000 personnes meurent ainsi chaque jour. 500 000 femmes sont mortes en couches en 2007 en Afrique sub-saharienne.1,7 milliard d’être humains n’ont pas accès aux soins primaires (vaccinations, médicaments...). 123 millions de personnes sont sous-alimentées en permanence, alors que l’agriculture mondiale est actuellement capable de nourrir 12 milliards d’êtres humains. Et entre 2001 et 2007, 125 000 paysans indiens se sont suicidés à cause de la "libéralisation" de l’agriculture (et de manière horrible, c’est à dire en avalant un bidon de pesticides, la substance qui les avait ruinés).


Aucune fatalité, donc, dans tout cela. "Un enfant qui meurt de faim aujourd’hui, est un enfant assassiné", fait-il remarquer, condamnant le "négationnisme" et "l’arrogance" de nos dirigeants, tel un Sarkozy refusant de s’excuser sur les massacres de Sétif ou allant déclarer à Dakar que "l’homme africain est responsable des malheurs de l’Afrique".


"Un Occident dont les pratiques démentent constamment les valeurs qu’il proclame. D’où la méfiance, voire l’aversion des pays du sud pour cet Occident qui tente depuis des siècles de confisquer à son seul profit le mot "humanité". D’où la "ruine des Nations Unies", souligne-t-il.


"la Haine raisonnée de l’Occident", "l’affirmation identitaire autochtone face à la prétention universaliste du dominateur occidental", sont une "nécessité". Elles ont permis pour la première fois depuis 500 ans, l’arrivée au pouvoir, en Bolivie, d’un paysan indien, Evo Morales, qui reprend le contrôle des immenses richesses de ce pays, pour les restituer à une population qui est, paradoxalement, parmi les plus pauvres du monde.


C’est donc sur l’espoir d’un nouvel ordre mondial créateur de justice et d’équité que débouche "la Haine de l’Occident".
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